Même lieu, même famille – Coïncidences géographiques

Ce post m’a été inspiré par la découverte de quelques coïncidences lors de recherches généalogiques sur ma famille.

D’un même village…

En effet, en explorant ma branche maternelle, j’ai pu découvrir que vers 1870, le quadrisaïeul de ma mère (soit son arrière-arrière-arrière-grand-père), a quitté la Bourgogne afin de s’installer en Île-de-France, rejoignant ainsi son épouse qui habitait Torcy, et travaillait très probablement pour la chocolaterie Menier de Noisy.

Il se trouve que cet ancêtre, Jean Baptiste, habitait avant son déménagement le même village dans lequel ma mère a décidé de s’installer, alors qu’elle allait avoir trente ans, soit environ 130 ans plus tard.

Lorsque je lui ai partagé cette information, ma mère a réagi avec un mélange d’étonnement et de joie. Il est vrai qu’il s’agit d’une touchante coïncidence.

A l’époque, à la fin des années 90, elle avait eu un coup de cœur pour cette maison (assez récente) et son jardin, tous deux en retrait de la route, et pour le village, qu’elle trouvait charmant avec notamment ses étroits chemins de traverse reliant les axes principaux.

Ma mère m’a d’ailleurs écrit quelques temps après la découverte de cette coïncidence, pour me dire qu’elle s’était rendue au cimetière afin de chercher les tombes de ses ancêtres. Hélas, le cimetière actuel est trop récent, et les ancêtres en question ont sûrement été enterrés dans le cimetière de l’église, transféré par la suite en périphérie du village, comme un peu partout au cours du XIXe siècle. Les recensements ne permettaient pas non plus de localiser avec certitude la ou les maisons qu’occupèrent dans le village ces différents ancêtres.

Les registres hypothécaires nous apportent cependant plus de précisions, puisqu’on y apprend que la famille demeurait au hameau des Fréchots, soit de l’autre côté du village, par rapport à notre maison familiale actuelle. L’un des membres de la famille, toujours d’après le répertoire des formalités hypothécaires, a été domicilié aux Fréchots, mais aussi à St Bris… village d’enfance de ma mère, situé à une bonne vingtaine de kilomètres de son domicile actuel.

… à un même quartier

Autre exemple de coïncidence géographique. De 2011 à 2013, j’habite à Paris, dans le Xe arrondissement, rue de l’Echiquier. Je trouve ce nom très élégant, et j’ai énormément de chance puisque le propriétaire m’accorde ce studio qui est le premier que je visite sur Paris, et qui est vraiment très abordable. Je suis aussi charmée par le carrelage noir et blanc, qui me semble un clin d’œil au nom de la rue.

Alors que des années plus tard ma grand-mère parternelle m’envoie les recherches qu’elle a faites sur ses ancêtres, je découvre qu’un de mes trisaïeux a vécu rue du Château-d’Eau, à 700 m de là, de l’autre côté du boulevard St Denis, vers 1932. Il était alors chiropracte. L’information me fait doublement sourire, d’une part par la proximité géographique qui me rapproche de mes arrière-arrière-grands-parents, et d’autre part par l’originalité de cette profession, qui n’en est qu’une parmi celles qu’on lui connaît.

Cependant, il est très fréquent d’avoir des ancêtres ayant migré à Paris, et un rayon de 700 m n’est pas négligeable.

Je suis toutefois à nouveau surprise, lorsqu’il apparaît que vers 1906, côté maternel, une de mes quadrisaïeule habitait elle aussi le Xe arrondissement, cette fois-ci rue d’Enghien, c’est à dire la rue parallèle à la rue de l’Echiquier. Avec cent cinq ans d’écart, quelques dizaines de mètres nous séparaient donc.

Et alors me direz-vous ? Que faire de ses informations ?

Coïncidence ? Je (ne) crois (pas).

Dans son ouvrage Psychogénéalogie des lieux de vie, Christine Ulivucci mentionne d’autres exemples de coïncidences de ce type : une femme qui va s’installer dans une rue qui est celle d’une clinique dans laquelle son père avait été hospitalisé dans un état critique, alors qu’âgée d’un an, elle était elle-même hospitalisée dans un autre établissement, séparée de ses parents; un homme qui achète un commerce donnant sur rue, avant d’apprendre que ses grands-parents ont vécu à la même adresse.

Pour Christine Ulivucci, ces lieux permettent de rencontrer son passé, de l’interroger, de le revisiter.

En voyant ces coïncidences, je pense donc aux fameuses synchronicités développées par Jung. Contrairement au sens populaire qu’on leur donne parfois aujourd’hui, il ne s’agit pas de signes envoyés d’on ne sait où, mais des signes qui trouvent justement leur sens dans le fait que le sujet veut voir quelque chose dans ces coïncidences. Ce n’est pas la coïncidence en elle-même qui a du sens, mais le fait que le sujet l’ait repérée et perçue, au milieu des milliers d’informations que son inconscient et son conscient traitent à chaque seconde.

De même, ces coïncidences de lieux n’auront que le sens que l’on voudra bien leur donner. On pourrait alors, sur le même modèle que le concept de synchronicité (chronos, le temps), forger celui de syntopicité (topos, le lieu).

A ma grande surprise, une recherche de ce terme sur internet me renvoie un seul et unique résultat (ultime coïcidence ?), Les Concepts Excentriques de Frédéric Mathieu.

Voici le contenu de l’entrée « syntopicité » :

« Sur le modèle de la synchronicité thématisée par Jung, la syntopicité désigne l’occurence en un même lieu d’au moins deux événements sans lien de causalité objective, mais dont l’association fait sens pour le sujet. La plupart des saisons d’American Horror Story, en tant qu’elles développement une herméneutique historique centrée sur un huis-clos, reposent sur le paradigme de la syntopicité. C’est le cas également des films d’épouvante américaines impliquant d’anciens lieux de torture (Amityville), ou des hôtels bâtis sur des cimetières indiens (Shining), hantés par la mauvais conscience. »

Les Concepts Excentriques, Frédéric Mathieu, 2018 , p.7-8.

Et hop, ce mot a été imprimé, et nous l’adoptons donc.

Et vous, avez-vous des exemples de syntopicité à nous partager ? Quel sens leur donnez-vous ?

(Petit aparté sur l’image d’illustration : ces grévistes du « Hasard » ne se révoltent pas contre les aléas de la vie, mais contre leur traitement au charbonnage dit du Hasard, à Micheroux, en Belgique.)

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